Architectures spirituelles de l’espace.
Peintures acryliques (60 cm x 73cm).
Parmi les espèces vivant sur terre, l’homme est probablement le seul à posséder cette disposition à l’adaptation et à la transformation de ses conditions d’existence. Par la qualité de son cerveau, il peut se projeter dans d’autres espaces imaginaires. J’essayais de transcrire par le pinceau ses audaces de transmigration, délaissant la peinture à l’huile au profit de l’acrylique, d’une exécution plus rapide.
La vie intérieure de mes personnages, tendue comme un arc, déplaçait la respiration de la terre vers d’autres structures. En voilant contraintes, besoins et pulsions par le biais de leurs rêves, les acteurs de mes tableaux migraient du monde d’en bas vers celui d’en haut. Leur langage devenait une ligne courbe et ascensionnelle qui lacérait l’enveloppe des ténèbres.
Assimilant leur vie physique à une ligne horizontale, je confrontais leurs manifestations spirituelles à la verticale des désirs et des prouesses. Les chemins d’ombres et d’hésitations, mais aussi leurs fissures morales, s’y atténuaient. Par leurs dispositions naturelles au perfectionnement et leur aptitude aux métamorphoses, mes personnages s’appropriaient la nuit des temps. Ils la redessinaient à leur image. Sculpteurs de leur propre monde intérieur, ils donnaient, au sens de leurs rêves, une intention, une orientation et une finalité vers une improbable survie. Abreuvés des nourritures terrestres, ils en redemandaient toujours. Tels des grains de sable, ils s’illuminaient d’immensité.
Décrivant cette période de ma peinture, Roger Secrétain, ancien maire d’Orléans et homme de lettres, écrivait qu’elle était un effort de mutation de l’inquiétude vers l’apaisement, du fantasme vers le naturel, de l’ombre vers la clarté sur une route qui irait en quelque sorte de Jérôme Bosch à Botticelli, hors des temps et des lieux, et qui traverse cependant notre actualité.
Une nouvelle fois, je creusais dans le cerveau de mes personnages. Il me fallait y dégager de nouveaux sentiers sans me perdre dans son labyrinthe alambiqué. En élaborant les architectures spirituelles et physiques de leurs nouveaux environnements, mes acteurs s’appropriaient le cosmos. Ces structures encéphaliques s’apparentaient à des vies reconstruites dépourvues d’enveloppe charnelle. Ils accédaient au séjour des bienheureux, comparables à une humanité hyperboréenne.
Afin de disposer de formes résumant mes recherches, je puisais dans des illustrations de l’encéphale. Les protubérances du cerveau, ses lobes, saillies et scissures, ses arborescences et ses circonvolutions, devinrent mes nouvelles sources d’inspiration. Il ne m’était plus nécessaire de représenter l’homme. Il s’était métamorphosé.
Cette période fut alors marquée par les prémisses d’un abandon progressif de la forme identifiable au profit d’une abstraction naissante.