Le passage du Fay

Œuvres de jeunesse très figuratives allant de la « Cène » à des peintures moyenâgeuses et Renaissance.
Peintures à l’huile de très grands formats.

Avoir vingt ans fut synonyme, en ce qui me concernait, d’enthousiasme, de volonté créatrice et d’affirmations en devenir. Cependant, mon adolescence se prolongeait. Elle était ponctuée par mes incertitudes, un manque de confiance et des repères encore non définis. J’éprouvais une certaine angoisse face à l’univers insondable qui freinait mes pas. Telle fut l’atmosphère de mes débuts de peintre, graveur, sculpteur.

Cette première étape qualifiée de « reitabasienne » (Reitabas étant l’anagramme de mon patronyme) se révéla une succession d’apprentissages. Je m’étais fixé pour but de maitriser rapidement les techniques du dessin, de la peinture, de la sculpture et de la gravure afin de devenir un artiste.

Des créateurs tels Mantegna, Dürer, Botticelli, Bruegel, Uccello, Bosch, Memling, Greco et Le Caravage eurent une influence importante durant cette période. Fortement impressionné par la Renaissance, je baignais aussi avec félicité dans les œuvres du Moyen Âge. Leurs peintures laissèrent, dans mes futures recherches, le sceau de leurs empreintes.

Sans hésiter, et sans doute inconscient, je m’attaquais dès 1960 à un thème particulièrement difficile, à savoir La Cène version « Reitabas ». Débutée par de nombreux croquis (sur des modèles vivants et des cadavres à l’hôpital de Vendôme), cette peinture sur bois exécutée à la peinture à huile prit trois ans de ma vie. Maintes fois recommencée, elle représenta un travail acharné de tous les jours. En effet, il était pour moi impérieux qu’aucun détail ne puisse être critiqué et que le dessin en soit impeccable. Mes recherches tenaient à la justesse des poses et à l’exactitude des expressions souhaitées. Combien de fois ai-je refait avec plus de précision les visages, les draperies, les mains et les veines qui devaient être placées aux endroits exacts ?

Exposée au Salon des artistes français à Paris, elle y fut très remarquée et louée. Néanmoins, je dois avouer qu’il y eut des critiques, non sur sa composition et son réalisme photographique, mais sur l’interprétation des apôtres. Certains y virent une réunion d’anciens brigands ! Heureusement, admise par l’Eglise et bénie, je me trouvais rassuré… Cette peinture fut ensuite longtemps exposée au château de Blois puis acquise par l’église de Vineuil dans le Loir-et-Cher. Elle s’y trouve toujours ainsi que deux autres tableaux : L’entrée et La sortie du Purgatoire.

Après l’achèvement de La Cène, affranchi de cette quotidienne obsession, je travaillais sur mes thèmes favoris : résurrection, mort, apocalypses futures, purgatoire ou paradis. Des danses macabres et autres monstres hantaient mes nuits. À travers ces sujets, abordés par de grands artistes, je ne cessais de m’interroger sur les mystères de la création. (Cinquante ans après, aucune réponse n’est venue apaiser mes états d’âme…)

Durant ces années, l’art contemporain commençait à s’imposer tout en laissant perdurer l’abstraction et le surréalisme. Or, tout en appréciant ces courants artistiques, je préférais les brumes de mon cerveau qui naviguaient dans des créations moyenâgeuses et pseudo-Renaissance. De nombreuses peintures de grands formats virent ainsi le jour mais aussi des sculptures en bois d’inspiration gothique et mes premières gravures.