Darius A. Spieth est professeur d’histoire de l’art – Université de l’État de Louisiane – Bâton Rouge, Louisiane (États-Unis)
Date de la visite dans l’atelier de Gilbert Sabatier : 2023
Critique :
Gilbert Sabatier, joyau artistique d’Orléans
Gilbert Sabatier est un témoin artistique d’une période marquée par des évolutions sans précédent dans l’histoire de l’art : l’art moderne, les avant-gardes, et enfin l’art abstrait et puis le tournant vers le postmodernisme. Il a vécu cette évolution d’une manière très personnelle, à l’écart des modes artistiques et parfois,comme il le dit lui-même, « en solitude ». L’artiste a commencé par peindre des sujets bibliques dans un style académique grandiose quand une telle approche était mal vue par le monde officiel de l’art dit contemporain. Il se tourne vers l’abstraction seulement à la fin du XXe siècle, alors que l’art figuratif est mis de nouveau à l’honneur. Entre ce point de départ et cet aboutissement, il est passé par le surréalisme.
L’art de Gilbert Sabatier dans toutes ses formes, peinture, sculpture, estampes et céramique, est à la fois une chronique de la création de notre temps et un journal personnel. C’est une chronique parce que les œuvres de six décennies réunies dans cette exposition à la collégiale Saint-Pierre-Le-Puellier témoignent des changements stylistiques et philosophiques qui ont influencé l’artiste et le monde de la création de l’après-guerre à nos jours. On y découvre tout à la fois les traces des maîtres anciens, du cubisme, du surréalisme, du retour à l’ordre, du suprématisme et du constructivisme, de l’abstraction, de l’art brut et de l’art visionnaire.
Mais c’est aussi un journal personnel par la périodisation que ce créateur impose lui-même à son œuvre. Auteur de vingt périodes distinctes et très personnelles allant des « Métamorphoses reitabasiennes (1960-1967) »aux « Ombres et Lumières cortexiennes (2023…) »,il n’a jamais cessé dans toutes ses créations de s’intéresser à la condition humaine, à nos états d’âme, au bien et au mal, à notre survie, à nos espérances et à nos renoncements, comme on peut encore le constater dans ses peintures les plus récentes.
La fin des années soixante est une époque de grands bouleversements sur le plan social et sur celui des mentalités. Gilbert Sabatier, jeune artiste à l’époque, s’intéresse alors davantage aux peintures du passé qu’aux révolutions artistiques naissantes. Il voit dans l’observation et l’analyse de certains maîtres anciens (Dürer, Botticelli, Bruegel, Uccello, Bosch, Greco, Le Caravage) une étape indispensable de son apprentissage de peintre et la formation dont il a besoin pour son avenir. Son chef-d’œuvre de cette époque est La Cène, aujourd’hui installée dans l’église de Vineuil, dans le Loir-et-Cher. A partir de 1968, il se tourne vers le surréalisme tout en restant figuratif. Viendront plus tard le nu où il excelle, puis progressivement ses recherches sur la lumière, la matière, le temps, les lois de l’univers… où les aspects psychologiques et philosophiques jouent un rôle de plus en plus important.
Il abandonne peu à peu la représentation figurative au début des années quatre-vingts au profit de l’abstraction. Fondamentalement, l’art est d’abord un enjeu de liberté et d’individualisme : hors de question de se plier aux exigences d’autrui. Comme l’affirme Gilbert Sabatier lui-même, « l’art est la joie des hommes libres. » Guidée par ses rêves, c’est une liberté toujours pleine d’optimisme, de couleurs, de curiosité, de créativité effervescente, d’humour et de joie de vivre dont nous avons besoin plus que jamais aux temps difficiles que nous vivons aujourd’hui. Son catalogue riche de centaines d’œuvres est un joyau artistique pour la ville d’Orléans et le monde tarde encore à le découvrir.
Gilbert Sabatier, artistic jewel of Orléans
Gilbert Sabatier is an artistic witness of a period marked by unprecedented developments in the history of art: modern art, the avant-gardes, and finally abstract art and then the turn towards postmodernism. He experienced this evolution in a very personal way, away from artistic fashions and sometimes, as he himself says, « in solitude ». The artist began by painting biblical subjects in a grandiose academic style when such an approach was frowned upon by the official world of so-called contemporary art. He turned to abstraction only at the end of the 20th century, when figurative art was once again in the spotlight. Between this starting point and this outcome, he went through surrealism.
The art of Gilbert Sabatier in all its forms, painting, sculpture, prints and ceramics, is both a chronicle of the creation of our time and a personal diary. It is a chronicle because the works of six decades gathered in this exhibition at the collegiate church of Saint-Pierre-Le-Puellier bear witness to the stylistic and philosophical changes that have influenced the artist and the world of creation from the post-war period to the present day. We discover all at once the traces of the old masters, cubism, surrealism, the return to order, suprematism and constructivism, abstraction, art brut and visionary art.
But it is also a personal diary through the periodization that this creator himself imposes on his work. Author of twenty distinct and very personal periods ranging from the « Reitabasian Metamorphoses (1960-1967) » to the « Cortexian Shadows and Lights (2023…) », he has never ceased in all his creations to be interested in the human condition, our states of mind, good and evil, our survival, our hopes and our renunciations, as can still be seen in his most recent paintings.
The end of the sixties is a time of great upheavals on the social level and that of mentalities. Gilbert Sabatier, a young artist at the time, is then more interested in the paintings of the past than in the emerging artistic revolutions. He sees in the observation and analysis of certain old masters (Dürer, Botticelli, Bruegel, Uccello, Bosch, Greco, Caravaggio) an essential step in his apprenticeship as a painter and the training he needs for his future. His masterpiece from this period is The Last Supper, now installed in the church of Vineuil, in Loir-et-Cher. From 1968, he turned to surrealism while remaining figurative. Later came the nude in which he excelled, then gradually his research on light, matter, time, the laws of the universe… where psychological and philosophical aspects play an increasingly important role.
He gradually abandoned figurative representation in the early eighties in favor of abstraction. Fundamentally, art is first and foremost a matter of freedom and individualism: there is no question of bowing to the demands of others. As Gilbert Sabatier himself states, « art is the joy of free men. « Guided by her dreams, it is a freedom always full of optimism, colors, curiosity, effervescent creativity, humor and joy of living that we need more than ever in the difficult times we are living today. Her catalog rich in hundreds of works is an artistic jewel for the city of Orléans and the world is still slow to discover it.