Pensées philosophiques.
Peintures acryliques (127cm x 165cm)

La présence quotidienne de sons musicaux m’a souvent été précieuse, tant dans la conception que dans la réalisation de mes toiles. Depuis toujours, elle est ma compagne fidèle, estompant par son atmosphère ma solitude inéluctable de peintre. Loin de parasiter mes sources d’inspiration, elle active et décuple mes neurones de sensibilité.

Au fil des ans, l’union entre écoute musicale et recherche d’effets picturaux élucida un certain nombre d’interrogations épineuses face à ma propre composition. Toutefois, il me paraissait impossible de traduire la musique par des pigments colorés, à l’exception de grands formats classiques figuratifs. Seule la sculpture m’a permis de mettre à l’honneur mes compositeurs de prédilection tels Mozart, Beethoven, Bach et Haydn.

Mélomane sélectif, mais sans la pratique d’un instrument, mes oreilles sont attentives à la puissance ou à la douceur d’accords musicaux. Mon cerveau mémorise inconsciemment des rythmes qui ressurgissent et servent de catapulte à la naissance d’autres mises en scène. L’une d’entre elles prit la forme de « Supports à citations ».

Dans ma jeunesse, l’étude de la philosophie m’avait semblé un monde hermétique, réservé à une élite, et insondable tant dans son approche que dans ses visées. En me plongeant dans des recherches ésotériques sur l’homme et sa place dans l’univers, ma curiosité pour cette discipline combla peu à peu un grand vide. J’oubliais les échecs passés. L’analyse des différentes théories, de l’Antiquité à nos jours, me conduisit à mieux cerner le monde qui m’entourait.

Je compris que la science, strictement objective, tâchait de découvrir et d’énoncer des lois tout en portant des jugements de réalité. La philosophie, quant à elle, formulait, par le biais de codes de valeurs, des propositions estimatives et appréciatives. Par son caractère humain, elle ne cherchait qu’à donner des réponses aux besoins et aux aspirations de l’homme. J’appliquais dans mes créations une ligne directionnelle en forme de point d’interrogation : qui sommes-nous et où allons-nous ?

En 1996, je concrétisais, sur mes toiles, mon attrait pour les grands philosophes. La puissance de leurs écrits devait y déchirer les voiles opaques de l’impénétrable. En fonction d’un thème précis, je réduisais leurs textes à des citations, les plus significatives et intelligibles possibles. Ainsi distribuées et colorées, souvent en perspective, je les insérais dans des surfaces et volumes ovoïdes, symboles de fécondité et de continuité de la présence humaine. Elles offraient un terreau propice à la réflexion sur la valeur des actes des hommes que la science ne pouvait résoudre.

Les résultats que j’avais précédemment obtenus sur l’impact de la lumière et la combinaison de surfaces éclatées furent une trame idéale dans la mise en page de ces citations. Elles y retrouvaient force, vigueur et dynamisme. En pénétrant dans la sensibilité physique et spirituelle du spectateur, elles accédaient à un nouveau statut : naître, se développer, disparaître puis revenir sous forme de souvenirs dans la mémoire collective.